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Paris — IN the aftermath of the January attacks in
Paris, I spent two days
transfixed watching the news. In the aftermath of the Nov. 13 attacks, I hardly
turned on the television; I just called the people I knew (no small number) who
lived in the neighborhoods that were hit. You get used to terrorist attacks.
In 1986, there was a series of bombings in various public
places in Paris. I think Hezbollah was behind those attacks. They occurred a
few days, or maybe a week, apart; I’ve forgotten exactly. But I remember very
well the atmosphere in the subway that first week. The silence inside the cars
was absolute, and people exchanged glances loaded with suspicion.
That was the first week. And then, soon enough, conversations
resumed, the mood returned to normal. The prospect of another imminent
explosion was still there in everyone’s mind, but it had retreated into the
background. You get used to terrorist attacks.
France will hold
on. The French will hold on, without even needing a “sursaut national,” a
national pushback reflex. They’ll hold on because there’s no other way, and
because you get used to everything. No human force, not even fear, is stronger
than habit.
“Keep calm and carry on.” All right, then, that’s just what
we’ll do (even though, alas, there is no Churchill to lead us). Despite the
common perception, the French are rather docile, rather easy to govern. But
they are not complete idiots. Instead, their main flaw is a kind of forgetful
frivolity that necessitates jogging their memory from time to time. There are
people, political people, who are responsible for the unfortunate situation we
find ourselves in today, and sooner or later their responsibility will have to
be examined. It’s unlikely that the insignificant opportunist who passes for
our head of state, or the congenital moron who plays the part of our prime
minister, or even the “stars of the opposition” (LOL) will emerge from the test
looking any brighter.
Who exactly weakened the capacities of the police forces
until they were totally on edge and almost incapable of fulfilling their
mission? Who exactly drilled into our heads for years the notion that borders
were a quaint absurdity, and evidence of a foul and rancid nationalism?
The blame, as one can see, is widely shared.
Which political leaders committed France to ridiculous and
costly operations whose main result has been to plunge Iraq, and then Libya,
into chaos? And which political leaders were, until recently, on the verge of
doing the same thing in Syria?
(I was forgetting: We didn’t go into Iraq, not the second
time. But it was close, and it looks as though Dominique de Villepin, then
minister of foreign affairs, will go down in history for that reason — which is
not nothing — for having prevented France, for the one and only time in its
recent history, from participating in a criminal operation that also
distinguished itself for its stupidity.)
The obvious conclusion is scathing, unfortunately. For 10
(20? 30?) years, our successive governments have pathetically, systematically,
deplorably failed in their essential mission: to protect the population under
their responsibility.
As for the population, it hasn’t failed at all. It’s unclear,
at bottom, exactly what the population thinks, since our successive governments
have taken great care not to hold referendums (except for one, in 2005, on a
proposed European constitution, whose result they then preferred to ignore).
But opinion polls are allowed, and for what they’re worth, they more or less
reveal the following: that the French population has always maintained its
trust in and solidarity with its police officers and its armed forces. That it
has largely been repelled by the sermonizing airs of the so-called moral left (moral?) concerning how migrants and refugees are to be treated.
That it has never viewed without suspicion the foreign military adventures its
governments have seen fit to join.
One could cite many more examples of the gap, now an abyss,
between the population and those supposed to represent it. The discredit that
applies to all political parties today isn’t just huge; it is legitimate. And
it seems to me, it really seems to me, that the only solution still available
to us now is to move gently toward the only form of real democracy: I mean,
direct democracy.
Michel Houellebecq is the
author, most recently, of the novel “Submission.”
Michel Houellebecq: Après les attentats à Paris, quelle démocratie pour la France?
Par MICHEL HOUELLEBECQ
PARIS — Au lendemain des attentats de janvier, j’ai passé
deux jours, sans pouvoir décrocher, devant les chaînes info. Au lendemain des
attentats du 13 novembre, c’est à peine si j’ai allumé ma télé ; je me suis
contenté d’appeler les gens de ma connaissance qui habitaient dans les
quartiers touchés (ce qui faisait déjà pas mal de monde). On s’habitue aux
attentats.
En 1986, une série d’explosions a eu lieu, à Paris, dans
différents lieux publics. (C’était le Hezbollah libanais, je crois, qui en
était responsable.) Il y a eu quatre ou cinq attentats, séparés par quelques
jours, parfois par une semaine. J’ai un peu oublié. Mais ce dont je me souviens
parfaitement c’est de l’ambiance, dans le métro, la première semaine. Le
silence, à l’intérieur des rames, était total ; et les regards des passagers se
croisaient, lourds de méfiance.
Ça, c’était la première semaine. Et puis, assez vite, les
conversations ont repris, l’ambiance est redevenue normale. L’idée d’une
explosion imminente était toujours là, dans l’esprit de tous ; mais elle était
passée à l’arrière-plan. On s’habitue aux attentats.
La France tiendra.
Les Français tiendront, sans même déployer un héroïsme particulier, sans même
avoir besoin d’un « sursaut national ». Ils tiendront parce qu’il n’y a pas moyen
de faire autrement, et parce qu’on s’habitue à tout. Et parce qu’aucune
puissance humaine, ni même la peur, n’est aussi forte que l’habitude.
Keep calm
and carry on. Eh bien d’accord, c’est ce qu’on va faire (même
si nous sommes bien loin, hélas, d’avoir un Churchill à notre tête).
Contrairement à une idée répandue les Français sont plutôt dociles, plutôt
faciles à gouverner. Mais ils ne sont pas pour autant complètement idiots. Leur
principal défaut résiderait plutôt dans une sorte de frivolité oublieuse qui
rend nécessaire, périodiquement, de leur rafraîchir la mémoire. La situation
fâcheuse dans laquelle nous nous trouvons a des responsables, des responsables
politiques ; et ces responsabilités politiques il faudra bien, tôt ou tard, les
examiner. Il est peu probable que l’insignifiant opportuniste qui nous tient
lieu de chef de l’état ou le demeuré congénital qui fait office de premier
ministre ou même les « ténors de l’opposition » (LOL) ressortent grandis de
l’examen.
Qui, exactement, a diminué les effectifs des forces de
police, jusqu’à ce qu’elles soient complètement sur les nerfs, et rendues
presque incapables d’accomplir leur mission ? Qui, exactement, nous a seriné au
fil des années que les frontières étaient une absurdité vieillotte, signe d’un
nationalisme rance et nauséabond ?
Les responsabilités, on le voit, sont largement partagées.
Quels responsables politiques ont engagé la France dans des
opérations absurdes et coûteuses ayant pour principal résultat de plonger dans
le chaos l’Irak, puis la Libye ? Et quels responsables politiques
s’apprêtaient, il y a très peu de temps encore, à faire la même chose en Syrie ?
Enfin j’oubliais, c’est vrai que nous ne sommes pas allés en
Irak ; pas la deuxième fois. Mais il s’en est fallu de peu, et il semble bien
que Dominique de Villepin restera dans l’histoire uniquement pour ça — ce qui
n’est pas rien — pour avoir empêché que la France pour une fois, pour la seule
et unique fois de l’histoire récente, ne participe à une opération criminelle
doublée d’une connerie.)
La conclusion qui s’impose est malheureusement sévère : nos
gouvernements successifs depuis dix (vingt ? trente ?) ans ont lamentablement,
systématiquement, lourdement failli dans leur mission essentielle : protéger la
population placée sous leur responsabilité.
La population, elle, n’a nullement failli. Au fond, on ne
sait pas exactement ce qu’elle pense, les gouvernements successifs s’étant bien
gardé d’organiser des référendums (enfin sauf un, en 2005, mais ils ont préféré
ne pas tenir compte du résultat). Les sondages d’opinion, cependant, restent
autorisés, et, pour ce qu’ils valent, révèlent à peu près les choses suivantes.
La population française a toujours maintenu sa confiance et sa solidarité
envers ses forces de police et ses armées. Elle a dans l’ensemble accueilli
avec dégoût le prêchi-prêcha de la « gauche morale » (morale ?) sur l’accueil
des réfugiés et des migrants. Elle n’a jamais envisagé sans suspicion les
aventures militaires extérieures auxquelles nos gouvernants ont jugé bon de
l’associer.
On pourrait multiplier les exemples de la faille, devenue
abyssale, entre la population et ceux qui sont censés la représenter. Le
discrédit qui frappe à l’heure actuelle en France l’ensemble des partis
politiques n’est pas seulement massif : il est légitime. Et il me semble, il me
semble bien que la seule solution qui nous reste serait de se diriger doucement
vers la seule forme de démocratie réelle : j’entends, vers la démocratie
directe.
Michel Houellebecq est
l’auteur de Soumission.